Afrique : Déchets électroniques, une bombe toxique à retardement ou opportunité industrielle ?

L’essor du numérique en Afrique s’accompagne d’un défi environnemental majeur : la gestion des déchets électroniques. Alors que le continent génère environ 2,5 millions de tonnes d’e-déchets par an, selon le Centre africain pour la transformation économique (ACET), les infrastructures de recyclage peinent à suivre.
Téléphones, ordinateurs, appareils électroménagers ou batteries en fin de vie s’accumulent, aggravés par l’importation massive d’équipements usagés déguisés en dons ou en réutilisables. Le Ghana, par exemple, reçoit environ 150 000 tonnes d’e-déchets étrangers chaque année, bien au-delà des 52 000 tonnes qu’il produit localement.
Ces déchets contiennent des substances hautement toxiques : plomb, mercure, cadmium. Leur traitement informel, souvent par brûlage ou traitement acide, libère des gaz à effet de serre puissants (CO₂, CH₄, N₂O) et des polluants comme les dioxines et furanes, contribuant au réchauffement climatique et à la pollution atmosphérique.
Les conséquences sanitaires sont alarmantes : maladies respiratoires, cancers, troubles neurologiques, affectant surtout les enfants et femmes enceintes. Pourtant, le recyclage informel fait vivre des dizaines de milliers de travailleurs, malgré les risques. À Agbogbloshie, au Ghana, ils étaient plus de 6 000 jusqu’à la démolition du site en 2021.
Le paradoxe, c’est que ces déchets sont aussi une ressource précieuse : cuivre, or, argent ou palladium. En 2022, sur 91 milliards de dollars de valeur brute potentielle mondiale de matières premières secondaires, seuls 28 milliards ont été effectivement recyclés. Le reste est perdu, faute de systèmes efficaces.
Certains pays comme l’Afrique du Sud, le Rwanda ou l’Égypte amorcent des réformes pour structurer la collecte. Mais les cadres réglementaires, comme les conventions de Bâle, Bamako ou Minamata restent peu appliqués, faute de capacités techniques, de volonté politique et de coordination internationale.
Face à l’explosion annoncée des e-déchets, 82 millions de tonnes d’ici 2030, l’Afrique doit transformer cette menace en levier économique. Formaliser le recyclage, c’est protéger la santé publique, préserver l’environnement et capter des milliards de dollars d’opportunités industrielles.
Amen K.