Tchad : Défis et opportunités, quand l’enclavement façonne le commerce africain.

Les pays enclavés d’Afrique, comme le Tchad, font face à un déséquilibre structurel en matière de commerce, confrontés à des coûts logistiques élevés et à des obstacles de transport liés à leur handicap géographique. Dépendant historiquement du port de Douala au Cameroun pour environ 80 % de ses importations, le Tchad cherche aujourd’hui à diversifier ses débouchés portuaires afin de réduire les coûts et sécuriser ses flux commerciaux.
Dans cette optique, N’Djamena multiplie les initiatives diplomatiques et économiques auprès de plusieurs pays côtiers. Après l’accord conclu en décembre 2024 avec la Guinée équatoriale pour le transit de marchandises via ses ports, des démarches similaires sont engagées avec le Bénin et l’Égypte. Au Bénin, une délégation du Conseil des chargeurs du Tchad (COC-TCHAD) a entamé des discussions pour faciliter l’accès portuaire. En Égypte, un corridor routier est en construction via la Libye, reliant N’Djamena à Ibsha sur près de 1.700 km, afin de créer une nouvelle route de transit sécurisée.
La dépendance au port de Douala reste cependant problématique. En plus de la congestion et de la lenteur administrative, les transporteurs tchadiens doivent faire face à 57 postes de contrôle sur le corridor Douala-N’Djamena, entraînant des coûts supplémentaires de 225 000 FCFA par navette et des paiements illicites estimés à 175 milliards FCFA par an. Pour répondre à ces défis, le port a signé un protocole avec le COC-TCHAD pour simplifier les procédures et améliorer la fluidité du transit. La Banque africaine de développement soutient également l’infrastructure régionale, avec l’inauguration en mai du pont sur le Logone et la perspective d’un corridor ferroviaire financé par les Émirats arabes unis.
Malgré ces avancées, l’accès aux alternatives reste complexe. Les corridors vers la Guinée équatoriale, le Bénin ou l’Égypte nécessitent de franchir des territoires tiers, avec des contraintes sécuritaires en Libye, au Soudan et dans certaines zones sahéliennes. La fiabilité de ces routes demeure donc fragile.
Le cas du Tchad illustre une problématique partagée par les 15 autres États enclavés africains, confrontés à des coûts commerciaux deux à trois fois supérieurs à ceux des pays côtiers. Selon Tralac, l’Éthiopie dépense plus de 1,5 milliard USD par an pour son accès maritime via Djibouti. Ces contraintes révèlent toutefois des opportunités d’investissement dans des infrastructures logistiques adaptées : ports secs, entrepôts, plateformes de groupage, services de transport de bout en bout et solutions numériques pour suivre les cargaisons.
Le développement de chaînes logistiques intégrées apparaît donc comme un levier essentiel pour renforcer la compétitivité des pays enclavés, réduire leur dépendance et stimuler leur croissance économique durable.
Amen K.