Afrique : Transition énergétique, le continent noir entre ambitions vertes et réalités économiques.

Les dirigeants africains affichent leur volonté de réduire l’usage des énergies fossiles face à l’urgence climatique. Mais dans la pratique, les impératifs de développement imposent une autre réalité : le pétrole et le gaz pourraient rester longtemps au cœur des économies africaines.
Selon le World Oil Outlook 2025 de l’OPEP, l’Afrique devrait accroître sa capacité de raffinage de 1,2 million de barils par jour d’ici 2030, l’une des progressions les plus rapides au monde. Un paradoxe pour un continent parmi les plus exposés au changement climatique. Les sécheresses ont déjà coûté plus de 500 000 vies et 70 milliards $ de pertes économiques en un demi-siècle, rappelait William Ruto à la COP27. La Banque africaine de développement estime à 100 milliards $ par an les financements nécessaires pour la transition climatique d’ici 2040, un objectif colossal au regard des capacités budgétaires africaines.
Dans ce contexte, les États misent encore sur les hydrocarbures pour financer leurs politiques. Le Nigeria illustre cette dépendance : en février 2025, 703 milliards de nairas (457 millions $) de recettes pétrolières ont servi au remboursement de la dette, représentant 86 % des revenus du mois. L’exportation brute reste vitale, mais une nouvelle stratégie émerge : accroître la valeur ajoutée locale. Raffinerie géante de Dangote au Nigeria, projets de Cabinda en Angola et de Hoima en Ouganda témoignent de cette volonté de réduire la dépendance aux importations de produits raffinés.
Pour plusieurs gouvernements, la solution réside dans une transition « équilibrée ». « Nous ne pouvons pas sacrifier l’économie pour préserver l’écologie », déclarait le ministre sud-africain Gwede Mantashe au dernier Africa CEO Forum. Son collègue à l’Électricité, Kgosientsho Ramokgopa, ajoutait : « On ne fait pas la transition dans le noir. » Une manière de rappeler que l’accès à l’énergie, l’emploi et la lutte contre la pauvreté demeurent des priorités absolues.
Le paradoxe africain reflète en réalité une tendance mondiale : malgré les discours sur la décarbonation, les financements bancaires au secteur fossile ont atteint 869 milliards $ en 2024. L’Afrique, avec seulement 4 % des émissions mondiales, poursuit donc une voie pragmatique : utiliser ses ressources pour soutenir sa croissance, tout en cherchant progressivement à bâtir un avenir énergétique durable.
Amen K.