Cameroun : Investiture du Président Paul Biya, la démonstration de force tranquille du RDPC
Dans un contexte africain souvent marqué par une instabilité politique chronique, l’investiture du président Paul Biya pour un nouveau mandat ce jeudi à Yaoundé ne représente pas seulement une étape protocolaire. Elle est l’aboutissement d’une stratégie politique minutieuse, patiemment tissée par son parti, le Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC). Alors que des voix, comme celle de l’opposant Issa Tchiroma Bakary, s’élèvent pour contester le scrutin et dénoncer des violences, la capacité du parti au pouvoir à maintenir son cap et à gérer la transition mérite une analyse approfondie.
Le « tact politique » dont fait preuve le RDPC est moins un slogan qu’une méthode de gouvernance. Il ne s’agit pas simplement de remporter des élections, mais de construire une permanence institutionnelle capable d’absorber les chocs et de naviguer dans les eaux troubles des contestations. La cérémonie d’investiture, solennelle, organisée devant le Parlement réuni en congrès, en est la parfaite illustration : un rituel républicain qui ancre la légitimité du pouvoir dans les formes constitutionnelles, face à des accusations qui, si elles sont portées par une partie de la population, peinent à entamer la façade de la légitimité officielle.
Cette longévité s’explique par un savant dosage de fermeté et de pragmatisme. Le RDPC a su, au fil des décennies, se constituer en une structure tentaculaire, infiltrant tous les rouages de l’État et de la société. Son réseau d’alliances, soigneusement entretenu, dépasse largement le cadre ethnique ou régional pour s’appuyer sur un système de redistribution des ressources et des postes qui garantit la loyauté des élites.
Face aux défis, qu’ils soient sécuritaires dans les régions anglophones ou économiques avec la chute des cours des matières premières, la réponse du RDPC a toujours été la même : une gestion méthodique, privilégiant la stabilité sur le papier plutôt que les réformes tumultueuses. Le discours présidentiel, souvent critiqué pour son laconisme, fait partie intégrante de cette stratégie. Il évite les promesses grandioses et les engagements précis, préférant une rhétorique de l’unité nationale et du développement progressif, qui laisse peu de prise à la critique frontale.
Alors que le Président Paul Biya entame cette nouvelle phase de son long règne, le principal défi pour le RDPC n’est peut-être plus de gagner des élections, mais de gérer l’inéluctable : la succession. Le véritable test du tact politique du parti ne se jouera pas dans les palais de Yaoundé, mais dans sa capacité à orchestrer une transition pacifique et ordonnée le moment venu, sans lequel quatre décennies de maîtrise politique pourraient s’effondrer.
