Burkina Faso : Désinformation, comment Jeune Afrique recycle des rumeurs de renseignement en « scoop »

Burkina Faso : Désinformation, comment Jeune Afrique recycle des rumeurs de renseignement en « scoop »

La publication par le magazine Jeune Afrique d’un article impliquant un aéronef du groupe burkinabè Ebomaf dans la fuite supposée d’un officier putschiste béninois a provoqué un vif émoi et une réfutation cinglante des entreprises mises en cause. Cet épisode soulève des questions fondamentales sur les sources, la vérification des faits et la responsabilité des médias internationaux dans leur couverture des affaires sécuritaires africaines.

L’article en question, s’appuyant sur des « services de renseignements béninois » non identifiés, affirmait que le Colonel Pascal Tigri, figure centrale de la tentative de putsch du 7 décembre au Bénin, aurait fui vers le Burkina Faso à bord d’un avion de LTI Aviation, une filiale du géant du BTP Ebomaf. Cette narration, mêlant fuite, transits régionaux et complicité supposée d’un groupe économique, possédait tous les ingrédients d’un récit à suspense. Cependant, sa construction semble avoir reposé sur du sable.

Les sociétés LTI Aviation et le Groupe Ebomaf ont immédiatement et fermement démenti toute implication dans cette affaire. Dans un communiqué sans équivoque, elles ont exigé du magazine une publication de rectification par le même canal, actant ainsi un grave accroc à la déontologie journalistique. Cette réaction rapide et procédurière met en lumière l’impact économique et réputationnel dévastateur que peut avoir une information non vérifiée, surtout lorsqu’elle touche à la sécurité et aux affaires d’État.

Cet incident n’est pas isolé. Il s’inscrit dans une tendance préoccupante où des allégations présentées comme des « informations de renseignement » sont relayées sans le filtre critique nécessaire. Le recours à des sources anonymes des services secrets, impossibles à contacter ou à recouper par le lecteur, crée un récit biaisé . Cela transforme trop souvent le média en mégaphone d’agendas opaques, qu’ils soient politiques, sécuritaires ou concurrentiels, au détriment de la vérité des faits.

Les conséquences de cette pratique sont graves. Elle jette une ombre de suspicion injustifiée sur des acteurs économiques légitimes, compromettant leur crédibilité et leurs activités. Elle entretient un climat de défiance et de théorie du complot dans une région, le Sahel et le Golfe de Guinée, déjà fragilisée par l’instabilité. Enfin, elle sape la crédibilité du journalisme d’investigation lui-même, discréditant le travail essentiel des reporters qui s’efforcent, avec rigueur et courage, de révéler des vérités documentées.

L’exigence de rectification portée par Ebomaf est légitime. Elle rappelle un principe cardinal : le droit de réponse et de correction n’est pas une option, mais un devoir éthique lorsqu’une erreur est commise. Au-delà de ce cas précis, cet épisode doit servir d’alerte. Il appelle à une plus grande prudence dans le traitement des informations sensibles, à un recoupement systématique des affirmations et à une transparence accrue sur les limites des sources utilisées. La course au scoop ne doit jamais l’emporter sur la quête de la vérité, surtout lorsqu’elle joue avec la sécurité et la stabilité d’États entiers.

Amen K.

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